Comment arrêter la spirale des coups d’État en Afrique de l’Ouest ? Tel est le thème de ce deuxième webinaire de la consultation citoyenne panafricaine en ligne organisé le 18 octobre 2023 par AfricTivistes. En moins de trois ans, cinq pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel ont connu plusieurs putschs et tentatives de coups d’État militaires. C’est ce qui constitue le prétexte de cette session virtuelle en partenariat avec le Club De Madrid avec la participation d’éminents experts de la gouvernance et de la culture democratique en Afrique dont certains ont joué des rôles de premier plan dans la gouvernance politique de leurs pays.

Ce sujet, à la fois sensible et au centre des discussions, a fait l’actualité récemment dans plusieurs pays en Afrique de manière générale et en Afrique de l’Ouest en particulier. Pour explorer cette thématique dans toute sa complexité et ses ramifications, la modératrice de la session Aisha Dabo coordonnatrice des programmes à AfricTivistes a donné la parole respectivement:

– Moussa Mara, ancien Premier Ministre du Mali ( 2014-2015),

– Aminata Touré, ancienne Premier Ministre du Sénégal ( 2013 – 2014)

– Alioune Tine, figure emblématique de la société civile sénégalaise et fondateur de Afrikajom Center 

– Camilla Rocca, Directrice de la Recherche à la Fondation Mo Ibrahim.

Premier à prendre la parole, Monsieur Moussa Mara, ancien premier ministre malien a axé son intervention préliminaire sur le fait que les militaires ne sont pas la panacée et la solution aux problèmes de gouvernance des pays où ils ont déjà pris le pouvoir: ” Il faut s’armer de temps et de patience puisque les régimes militaires dans nos pays restent très populaires. Donnons le temps aux populations de comprendre et de démystifier les régimes militaires en faisant preuve d’intelligence et de patience pour obtenir leur départ progressif.”

A la suite de l’actuel membre du parlement de la transition au Mali, Monsieur Alioune Tine Expert Indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme a quant à lui insisté sur le retour aux fondamentaux et aux valeurs africaines pour s’approprier la démocratie: “La société civile doit s’outiller pour propager la culture démocratique, des droits de l’homme et de la tolérance. Il faut retourner à nos valeurs pour une une démocratie délibérative ”

Madame Aminata Touré, ancienne première ministre du Sénégal est quant à elle convaincue que les coups de force traduisent aussi dans une certaine mesure une crise profonde des systèmes politiques “déconnectés des attentes populaires et plombés par la corruption”. Toujours à en croire l’ancienne ministre de la justice, il faut:

– Mettre en place des institutions démocratiques solides,

– Vaincre la corruption,

– Renforcer la bonne gouvernance,

– Instaurer une éducation à la démocratie des citoyens.

Elle rejoint ainsi l’ancien directeur de Amnesty international Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Tine selon qui ” Les coups d’État militaires sont des indicateurs de crise et de dysfonctionnement de nos gouvernements. Il faudrait réfléchir à un nouveau contrat social.”

Il n’a pas manqué de souligner que cette crise en Afrique de l’Ouest n’est pas isolée. Elle est symptomatique des crises profondes de la démocratie représentative à travers le monde.

Madame Camilla Rocca, Directrice de la recherche à la Fondation Mo Ibrahim a durant sa présentation démontré avec des chiffres à l’appui (se basant sur l’Indice Mo Ibrahim de la Gouvernance en Afrique 2022) comment la perception des populations africaines sur les coups d’État a évolué ces deux dernières années.

Elle a également analysé l’effet domino des changements anti constitutionnels de pouvoir en Afrique de l’Ouest et avec elle toutes les conséquences qu’elles engendrent comme:

– La baisse du soutien à la démocratie et la hausse des attitudes, pro-militaires,

– Les mandats de trop et les dirigeants vieillissants,

– La nécessité d’une alternance générationnelle…

Comme pour conforter les résultats de l’Indice Mo Ibrahim partagés par Mme Camilla Rocca, Cheikh Fall, Président de AfricTivistes a par ailleurs souligné dans certains contexte, un développement d’une forme de “fantasme” sur les “coups d’État” comme réponse à la crise démocratique dans certains pays en Afrique.

Il est est revenue sur la nécessité de prendre en compte les liens qui existent entre :

– La crise sécuritaire et la crise des démocraties,

– La légitimation des coups d’État et la demande populaire croissante de plus de démocratie,

– Les discours souverainistes et la polarisation de l’espace public,

– Le déficit d’éducation à la citoyenneté et aux médias…

La demande de plus de démocratie et de bonne gouvernance exprimée par les populations dépasse de loin l’offre politique des acteurs au pouvoir.  selon lui: “ créant ainsi un fossé qui s’élargit de plus en plus et dont se nourrissent les frustrations actuelles.”

L’une des solutions de sortie de cette crise selon cet expert en Civic Tech est “d’apprendre de nos échecs et aller vers un système démocratique qui résulterait d’une endogénéité et d’un culturalisme assumé qui serait ainsi plus proche de nos valeurs.. ” 

Cette Consultation Citoyenne rentre dans une série d’activités portées par Africtivistes dans le cadre du Charter Project Africa. Elle permet de mettre en œuvre l’un des principes de la CADEG relatif à la participation citoyenne et le rôle de la société civile pour accélérer la ratification de ce principal document politique de l’Union africaine.

Nous encourageons les membres des organisations de la société civile, des initiatives locales, des jeunes et des activistes ou de simples citoyens du continent et de sa diaspora à contribuer et à s’engager dans des discussions thématiques en cliquant sur ce lien: https://consultation.africtivistes.org/.

Pour suivre l’integralité de cette session: