Des professionnels des médias formés sur les techniques d’investigation en santé
« Repenser la bonne information comme un pilier d’un bon système sanitaire », tel est l’objectif visé par AfricTivistes à travers la phase pilote du projet Health Lab. L’atelier de formation, qui s’est tenu du 9 au 13, a outillé des professionnels des médias spécialisés en santé du Sénégal et de la sous-région en techniques d’investigation en santé.
Durant cinq jours, s’est tenu à Dakar un atelier de formation en journalisme d’investigation en ligne sur les questions de santé. Africa Media Lab a pour but de former et renforcer les capacités des professionnels des médias, des blogueurs spécialisés en santé en Afrique. « Nous avons dans la salle quatre nationalités (Sénégal, République de Guinée, Mauritanie, Togo et Bénin); à terme le projet vise à se déployer dans une douzaine de pays en Afrique. », a déclaré Pape Ismaïla, chargé de communication et du plaidoyer de AfricTivistes et formateur pour cet atelier.
Ce programme, lancé par AfricTivistes et soutenu par Seek Initiative, a choisi le Sénégal pour accueillir sa phase pilote qui comprend une formation en présentiel, un mentorat après formation d’un mois et la production de contenus de valeur ajoutée par les participants.
Pour Aïsha Dabo, coordinatrice des programmes de AfricTivistes, il s’agit de répondre au besoin de combler un manque en matière de vérification des données en Afrique pour rendre facile le travail des journalistes, blogueurs et autres professionnels des médias. « Ce projet fait partie d’un grand programme Africa Media Lab qui comprend plusieurs projets pour outiller les acteurs de l’information afin qu’ils puissent mieux mener des investigations tout en vérifiant les informations. », a-t-elle fait savoir en présence de Janine Schall-Emden, représentante de Seek initiative.
Elle a précisé que l’objectif à terme est de former 400 personnes dans 12 pays d’Afrique par une approche rigoureuse de l’investigation en santé fondée sur des principes d’éthique, d’inclusion et de sécurité vis-à-vis de la communauté”, a fait savoir Janine.
Cette phase pilote servira ainsi de laboratoire pour prochainement dérouler le projet avec succès dans d’autres pays. « Cette activité nous permettra de peaufiner le projet pour atteindre nos objectifs», a-t-elle confié. A son tour, Pape Ismaïla Dieng de renchérir : « Cet atelier nous permettra d’évaluer le besoin et d’améliorer le contenu pour pouvoir le déployer dans d’autres pays.»
Pour sa première cohorte, seize professionnels des médias spécialisés en santé, issus majoritairement du Sénégal et aussi de la sous-région ont été formés en journalisme d’investigation en ligne.
“Une formation interactive qui nous a permis d’approfondir nos compétences…”
La première journée de formation a porté sur un travail de conceptualisation d’une enquête d’investigation. Pour le formateur Pape Ismaïla Dieng, l’objectif était d’entamer un processus d’investigation en communauté en partant de la définition du concept “enquête communautaire”, puis faire le choix du sujet d’une enquête communautaire. « Le groupe s’est démené afin de trouver un sujet d’enquête transversal pour les cinq pays représentés. Ils l’ont ensuite organisé en fonction de l’angle et de l’impact avant l’étape de la documentation. », a-t-il notamment explicité.
Au deuxième jour, la recherche-documentation a été à l’ordre du jour des échanges et travaux de l’atelier. « La recherche-documentation est centrale tout au long du processus du travail d’investigation dans une enquête communautaire; elle en est même la base puisque l’investigation implique d’aller chercher des informations, ensuite de les vérifier à travers des recherches approfondies. », a fait valoir M. Dieng avant de continuer « La recherche-documentation occupe une place importante dans le dispositif; elle permet de mieux cerner le sujet et de l’exploiter. », a-t-il ajouté.
Plus tard dans la journée, les participants ont été formés sur des techniques de recherche avancée sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, les spécificités des moteurs de recherches, et des outils de vérification de données, en tout genre (images, géolocalisation, veille, comparaison…).
Les troisième et quatrième jours ont essentiellement porté sur l’identification, la cartographie et la classification des intervenants dans le cadre d’un sujet d’enquête. Ainsi que les bonnes approches pour la création des liens entre les acteurs et la catégorisation de ces derniers en fonction de leurs qualités. Du reste, les points suivant ont été par la suite abordés :
- – l’importance de la prise de contact avec les personnes ressources
- – l’adoption d’une approche efficace des personnes ressources
- – les techniques pour obtenir des informations publique
- – les enjeux et menaces autour du cadre juridique et cadre légal dans le pays d’enquête
- – La mise en place d’une politique de sécurité sur les données à caractère personne
Enfin, au cinquième jour consacré notamment à la préparation à la phase du mentorat, les bénéficiaires ont présenté à tour de rôle les sujets sur lesquels ils souhaitent chacun travailler avec la complicité de leurs organes de presse.
Ces investigations seront menées sous le mentorat des formateurs du projet. « A la suite de la formation, il y aura un suivi sous forme de mentorat. Les participants vont choisir des sujets d’enquête sur lesquels ils vont travailler le mois prochain. Nous serons disponibles pour les guider. », a dit Papa Ismaïla Dieng tout en confiant que l’objectif est d’avoir des enquêtes qui seront publiées en réinvestissant les acquis durant cette formation. « Ces enquêtes nous permettront de prouver que ce projet est à la fois viable et déployable dans d’autres pays. »
A leur tour, les bénéficiaires ont vivement salué cette initiative venant en appoint pour asseoir de nouvelles compétences utiles pour une meilleure pratique de leur métier.
« Avec le bagage que j’ai reçu, je sais maintenant comment mener une enquête par l’approche Health Lab. Je compte travailler sur un sujet pour mettre en œuvre ces connaissances et nouvelles techniques afin de contribuer au développement de la population. », a assuré Viviane Marie Joseph Diatta, journaliste sénégalaise bénéficiaire du programme.
Tounkara Thierno Oumar de ESPACE FM, de la Guinée de renchérir : « Pendant ces cinq jours de formation, nous avons appris de nouvelles connaissances sur le journalisme d’enquête. J’ai eu des outils et moyens pour chercher les informations afin de les mettre à la disposition du grand public. Ces outils et l’accompagnement de AFRICTIVISTES me permettront de traiter plusieurs sujets dans le domaine de la santé dans mon pays pour pouvoir réduire les problèmes de santé publique que rencontre la communauté et améliorer les conditions de prise en charge ».
A en croire Papa Youssouf Mboup, vidéaste freelance, du Sénégal, la formation “a été une bonne expérience”. « J’ai été impressionné par sa qualité. Une formation interactive qui nous a permis d’approfondir nos compétences tout en nous sensibilisant aux enjeux de santé spécifiques à notre continent. Ce qui m’a le plus marqué, c’est la possibilité d’échanger avec d’autres journalistes spécialisés en santé venus de différents pays africains. Les discussions et les débats que nous avons eus ont permis de partager nos expériences et nos perspectives, et de créer des liens durables entre nous », a-t-il expliqué
Gnim Zabdiel Mignake de Santé-Education, du Togo, quant à lui, entend démultiplier la formation reçue à son retour: « Cette formation comme escompté m’a permis de découvrir d’autres manières de récolter des données dans le but de construire un dossier d’enquête, notamment le crowdsourcing et la recherche avancée en ligne. La plus value avec laquelle je pars reste le pack d’outils technologiques de traitement, de vérification et de visualisation de données qui vont me permettre de rendre l’information non seulement plus digeste aux lecteurs mais aussi me permettre d’établir des liens entre les faits afin de générer plus d’insight. Toutes ces connaissances seront partagées avec les collègues à mon retour à travers des séances d’échange ou petits webinaires. »
La phase pilote de AfricTivistes Health Lab s’est ainsi terminée par une séance de remise des attestations.