Du télémarketing à l’engagement citoyen, le parcours inspirant de Ndeye Fatou Diouf
Ndèye Fatou Diouf appelée affectueusement “Nifa” par ses proches, a débuté sa carrière dans le domaine de la vente et du service client, acquérant ainsi une solide expérience en marketing et en communication, ainsi que dans la gestion des relations humaines. Après plusieurs années de travail dans différents secteurs, son parcours prend un tournant décisif lorsqu’elle rejoint AfricTivistes à travers le programme Sahel Insight. Cette initiative lui permet de découvrir le potentiel du numérique comme levier de changement, en particulier pour les femmes et les jeunes du Sahel. Grâce à cette prise de conscience, elle se lance pleinement dans l’ engagement et la participation citoyenne, convaincue que le numérique peut offrir une plateforme puissante pour dénoncer les inégalités et promouvoir l’égalité des droits.
Son engagement, qui a mûri au fil du temps, prouve qu’avec de la détermination, chaque action peut contribuer à un impact significatif. Son parcours est un modèle d’inspiration, montrant qu’il est possible d’agir pour le changement, même face aux obstacles, en utilisant les technologies comme levier d’émancipation et de justice sociale.
AfricTivistes : Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
Ndeye Fatou Diouf : Après mes études secondaires, j’ai intégré une école de formation en marketing communication avant de travailler comme agent commercial terrain chez Tigo, un opérateur téléphonique, de 2006 à 2008. J’ai ensuite occupé divers postes, notamment serveuse, caissière et cuisinière dans des restaurants du centre-ville de Dakar et des almadies entre 2009 et 2015, avant de rejoindre Quality Center, un centre d’appel, d’abord en tant que conseillère commerciale chargée de la gestion du portefeuille client des opérateurs français comme SFR et Bouygues Telecom, puis en tant que chargée de qualité et des méthodes de vente.
Qu’est ce qui est à la base de votre engagement ?
Mon engagement s’est construit progressivement. Mon parcours académique et professionnel ne me destinait pas à être sensible aux injustices touchant particulièrement les femmes et les jeunes. C’est grâce au programme de renforcement des capacités pour contribuer à la reduction des inegalités dans le Sahel “Sahel Insight“, porté par Africtivistes en partenariat avec Oxfam et Wildaf, que j’ai pris conscience de ces enjeux et trouvé ma voie dans cette lutte. Cette formation, qui accompagne les jeunes du Sénégal, du Niger, du Tchad et du Burkina Faso dans leur engagement citoyen, a été un déclic et une opportunité pour interagir avec des acteurs du changement. L’objectif etait d’ encourager une nouvelle prise de conscience sur les enjeux liés à la réduction des inégalités. Cette connexion a renforcé ma détermination. Aujourd’hui, je poursuis cet engagement en tant que chargée de communication digitale chez AfricTivistes.

Quelles ont été les expériences les plus marquantes de votre carrière jusqu’à présent ?
Travailler chez Africtivistes a été une étape déterminante dans ma vie. Chaque jour, j’ai la chance et l’opportunité de voir à travers nos programmes, comment le numérique peut devenir un puissant outil de mobilisation et de transformation sociale. S’il offre aux citoyens un accès élargi à l’information, une liberté d’expression renforcée et un moyen de dénoncer les injustices, il présente aussi des défis majeurs tels que la désinformation, la censure et le cyberharcèlement. Notre mission est donc de créer des espaces numériques sûrs et efficaces, où chaque voix peut se faire entendre et contribuer au changement.

Vous êtes également engagée dans la lutte pour les droits des femmes et la réduction des inégalités au Sahel. Comment évaluez-vous la situation actuelle et quels sont les leviers d’action les plus efficaces ?
La situation des femmes au Sahel est très complexe. Elles sont confrontées à des inégalités structurelles, mais elles sont aussi de plus en plus actrices du changement. Nous avons constaté que les campagnes digitales, les formations et la mise en réseau des activistes permettent de créer un impact durable. Nous devons renforcer ces initiatives pour qu’elles bénéficient au plus grand nombre.
Comment ont été vos débuts en tant que Sahel Activistes ?
Mes débuts ont été un véritable défi : bien que l’envie de contribuer au changement et de lutter contre les inégalités sociales, économiques et politiques était déjà présente en moi, je ne savais pas par où commencer. La formation Sahel Insight a été le déclic. C’est à partir de ce moment que j’ai pris pleinement conscience de l’importance de l’engagement citoyen. Avec l’accompagnement technique de AfricTivistes, j’ai pu coordonner notre réseau au Sénégal, un groupe de jeunes passionnés et engagés. Cela a exigé une écoute attentive, une bonne capacité de planification et de mobilisation, ainsi que la mise en place de stratégies de communication efficaces pour créer une dynamique cohérente autour d’objectifs communs.

Quels impacts concrets avez-vous observés grâce aux campagnes menées par les sahel Activistes du Sénégal ?
Nos campagnes ont permis de mettre en lumière des problématiques majeures comme les violences basées sur le genre, la mendicité des enfants, la santé menstruelle, l’accès à l’éducation pour les filles et la participation des femmes à la vie publique. Nous avons vu des personnes se mobiliser, des décideurs être interpellés et des discussions s’ouvrir sur des sujets longtemps considérés comme tabous. En 2024, j’ai pu participer au film documentaire “Sahel à Égalité” , une production cinématographique de AfricTivistes qui a mis en lumière les actions concrètes menées par les sahels activistes pour contribuer à réduire les inégalités identifiées dans des localités données.
Comment appréhendez-vous le féminisme et les efforts consentis par ses défenseurs ?
Le féminisme, pour moi, est un combat pour l’égalité et la justice sociale. Il ne s’agit pas d’une opposition entre hommes et femmes, mais d’une quête de reconnaissance et d’équité. Les défenseurs du féminisme travaillent à déconstruire des structures profondément enracinées et à créer un environnement où chacun a les mêmes opportunités, indépendamment de son genre.

Vous coordonnez les communautés de pratique dans le cadre du projet Future of Work au Sénégal, une collaboration entre Pollicy et AfricTivistes. Quels sont les principaux enjeux du monde du travail pour les femmes dans la région ?
Les femmes font face à plusieurs défis : l’accès à l’emploi formel, la précarité des conditions de travail et l’écart technologique. Le digital peut être une opportunité, mais encore faut-il que les femmes aient accès aux outils et aux formations nécessaires.

En quoi la technologie peut-elle être un levier pour renforcer la résilience des femmes et les aider à s’adapter aux défis du futur ?
La technologie peut permettre aux femmes d’accéder à l’éducation, à des opportunités professionnelles et à des réseaux de soutien. Des plateformes d’apprentissage en ligne ou de travail à distance sont des solutions intéressantes, mais il faut aussi accompagner les femmes pour qu’elles en tirent pleinement parti.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent s’engager dans des initiatives comme Taxaw Tem ou Future of Work ?
Je leur dirais de ne pas hésiter à se former, à réseauter et à prendre des initiatives. Il y a aujourd’hui de nombreuses opportunités, mais il faut oser aller les chercher. La solidarité entre femmes est aussi essentielle : il faut s’entraider et se soutenir mutuellement.

Le Sénégal est confronté à des inégalités sociales importantes depuis des décennies. Quel est, selon vous, l’impact de ces inégalités sur les jeunes et les femmes dans le pays ?
Les inégalités limitent l’accès des jeunes et des femmes à l’éducation, à l’emploi et à la prise de décision. Elles contribuent à leur marginalisation économique et sociale, ce qui freine leur autonomie et leur capacité à participer et à influencer le développement du pays.
Pensez-vous que le numérique et la technologie constituent un atout pour venir à bout des inégalités qui frappent les couches vulnérables?
Oui, absolument. Le numérique offre des opportunités d’inclusion, de formation et d’autonomisation. À travers le programme “AfricTivistes Femmes Cybersécurité”, nous accompagnons les femmes journalistes, les professionnels des médias et les défenseurs des droits humains sur des thématiques essentielles telles que la cybersécurité, l’audit numérique, la lutte contre le harcèlement en ligne et l’accès à Internet. Ce programme leur permet de mieux comprendre les enjeux du numérique et de renforcer leur résilience face aux transformations du monde du travail. Par ailleurs, les plateformes digitales constituent un puissant levier de plaidoyer, rendant visibles des problématiques souvent ignorées et amplifiant les voix engagées pour le changement.
Vous avez fait partie de la première cohorte du Centre de Ressources de l’Institut de la Société Civile de l’Afrique de l’Ouest. Que retenez-vous de cette expérience et en quoi a-t-elle renforcé vos actions ?
Ce programme m’a permis de mieux comprendre les enjeux de la gouvernance des organisations de la société civile en Afrique de l’Ouest. J’y ai acquis des compétences stratégiques pour structurer nos actions en tant qu’ activistes du Sahel et maximiser leur impact.

Où vous voyez-vous dans les prochaines années, et quel impact souhaitez-vous continuer à avoir ?
J’aimerais continuer à travailler durement et œuvrer pour un monde plus équitable et inclusif pour les jeunes, les filles et les femmes, en utilisant le digital comme outil de transformation sociale. Mon objectif est de former et d’inspirer davantage de jeunes à s’engager pour le changement.

Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes Africains qui souhaitent s’impliquer dans le numérique, la gouvernance et l’égalité sociale ?
Je leur dirais que chaque action compte. Il ne faut pas attendre d’être expert ou d’avoir un grand réseau pour commencer. Avec de la détermination et un engagement sincère, on peut faire une différence, aussi petite soit-elle au départ.
Par Laïty Ndiaye, responsable communication de AfricTivistes