Un pouvoir, Deux mandats: AfricTivistes prolonge la réflexion sur le déclin démocratique sénégalais
AfricTivistes a procédé, ce jeudi 7 mars, au visionnage de son film documentaire Sénégal : Un pouvoir, Deux mandats. Cette rencontre a également été un cadre d’analyse de la démocratie sénégalaise et de plaidoyer des différents acteurs sur le déclin démocratique du Sénégal.
La coordinatrice des programmes de AfricTivistes, Aisha Dabo, a affirmé que ce projet cinématographique est plus qu’un simple documentaire.“Nous nous réunissons ici, non seulement pour visionner un documentaire, mais pour tisser ensemble les fils d’un avenir où la démocratie n’est pas un idéal lointain, mais une réalité palpable, vécue et respectée.; a-t-elle fait valoir lors de son discours de bienvenu à l’atelier de visionnage.
Ce premier film documentaire de AfricTivistes, explore la trajectoire de la démocratie sénégalaise, mettant l’accent sur les périodes d’alternance de 2000 et de 2012. Il vise à sensibiliser sur les conséquences néfastes du non-respect de la Constitution et de la limitation des mandats présidentiels.
“Ce film n’est pas juste un récit, c’est un miroir reflétant les défis et les espoirs de la nation. Ce film nous rappelle les valeurs sacrés de nos droits, C’est un appel à la prise de conscience, un appel à l’action pour réaffirmer notre engagement pour le Sénégal.”, a-t-elle ajouté.
L’activité s’est tenue en présence d’éminents acteurs de la vie publique et politique. Il s’agit entre autres des anciens ministres Professeur Penda Mbow, Professeurs Ndioro Ndiaye Amadou Tidiane Wone, Elimane Haby Kane directeur exécutif de Legs Africa, Aliou Sané, coordonnateur de Y’En A Marre, Professeur Babacar Gueye…
Ces derniers ont poussé plus loin l’analyse à travers trois panels portant sur l’importance de la limitation des mandats, les solutions politiques et institutionnelles pour sauver la démocratie sénégalaise et les dynamiques socioculturelles et engagements
de la société civile pour la soutenance des valeurs démocratiques. Cette activité marque le lancement officiel du projet de AfricTivistes Un Pouvoir, Deux Mandats.
De la nécessité de repenser le modèle de démocratie
Les discussions du premier panel ont porté sur l’importance de la limitation des mandats avec les intervenants du film pour approfondir les thèmes abordés dans le film. L’activiste Jaly Badiane, protagoniste du documentaire, appelle à un “changement de la classe politique”. “Ces 12 dernières années nous avons assisté à une décadence dont le paroxysme a été le report des élections.”, a-t-elle décrié.
Pour le sociologue Elimane Kane, ce déclin démocratique traduit une certaine faillite du modèle de démocratie. “Il faut décoloniser notre approche de la démocratie dans son cheminement occidentaliste. “Nous devons mettre notre démocratie dans une perspective de déconstruction en construisant nous-même sa substance par rapport à nos valeurs sociologiques.”, a-t-il dit en plaidant pour une limitation de mandat à deux ou un mandat unique de 8 ans.
Pour sa part, Mamadou Seck mise sur la souveraineté du peuple et l’apport de la société civile. “Dans une démocratie, les élections sont essentielles pour renforcer la légitimité et impulser des dynamiques de bonne gouvernance. Cependant, il faut une vigie citoyenne pour stopper les velléités anti-démocratiques”
Le journaliste Ayoba Faye de conclure: “nos enfants, nos petits-enfants doivent avoir d’autres missions que celles de lutter pour des droits humains comme la liberté d’expression et le droit à l’information.”
Quelles réformes apporter au plan institutionnel ?
Dans la table ronde sur les mécanismes politiques, juridiques et institutionnels de renforcement de l’Etat de droit, les panélistes ont formulé diverses recommandations pour redonner ses lettres de noblesse à la démocratie sénégalaise.
El hadj Abdoulaye Seck de Amnesty International d’indiquer cinq réformes nécessaires. “Le renforcement de l’accès à l’information, la mise en place des espaces et des plateformes de consultation citoyennes, permettre aux citoyens de saisir la juridiction constitutionnelle, le renforcement du droit de manifestation, l’élévation du droit de pétition à un rang institutionnel.” Dans son sillage, Aliou Sané estime qu’il y a deux réformes majeures à faire : “régler la question de l’hyper-présidentialisme et celle de la justice.”
“La question de l’éducation est essentielle. “Il faut encadrer cette jeunesse, notamment sur la citoyenneté.”, a plaidé l’ancienne ministre du Développement social, Ndioro Ndiaye. Tandis que l’ancien ministre de la culture Amadou Tidiane Wone a appelé quant à lui à “une presse de qualité à la hauteur des défis.”
En outre, les panélistes ont défendu l’importance d’avoir une éducation aux valeurs socio-culturelles. “Ce que notre culture peut apporter à notre démocratie c’est le sens de l’engagement, le sens du courage. Ces valeurs du leader comme le Joom (honneur), le Jomb (dignité) et le Fitt (courage)”, a souligné l’historien El Hadj Amadou Dieng. “L’exploitation de nos richesses socioculturelles pourrait nous permettre de faire face à beaucoup de crises politiques que nous avons vécu”.
Un mémorandum sur la limitation des mandats avec les recommandations formulées durant cette journée de réflexion sera produit et partagé avec les organisations de la société civile travaillant sur les questions de gouvernance démocratique en Afrique.
Cet atelier a marqué une étape dans la réflexion sur le déclin démocratique au Sénégal. Les recommandations formulées lors des panels sur les réformes offrent des pistes concrètes pour renforcer l’État de droit.
AfricTivistes a aussi déployé une plateforme web afin de recueillir les avis des internautes sur cette production cinématographique.