FIMI au Sénégal : AfricTivistes lance l’alerte avec un rapport inédit
Dans un contexte où la désinformation et les ingérences étrangères deviennent des enjeux majeurs pour la souveraineté et la stabilité démocratique au Sénégal comme dans plusieurs États africains, AfricTivistes a tenu, le mardi 05 août, un atelier de validation de son rapport analytique sur la manipulation et l’ingérence étrangère par le biais de l’information (FIMI). Ce rapport présenté aux représentants de la société civile, des autorités publiques, des régulateurs, des chercheurs et des médias, offre une analyse approfondie des vulnérabilités du paysage informationnel, des acteurs impliqués et des pratiques observées au Sénégal.
Le débat sur la manipulation de l’information et l’interférence étrangère n’est pas prégnant au Sénégal. Pourtant, les menaces liées aux ingérences étrangères par la manipulation de l’information (FIMI), sont devenues des enjeux majeurs et constituent une menace croissante pour la souveraineté, la stabilité démocratique et la cohésion sociale des États.
Selon Aisha Dabo, coordinatrice des programmes de AfricTivistes, « Le Sénégal devient une cible » malgré sa forte tradition démocratique et sa reconnaissance comme pays le plus résilient d’Afrique de l’Ouest. « Le Sénégal reste vulnérable face à la polarisation politique, la dépendance économique des médias et l’intensification des campagnes informationnelles étrangères durant les périodes électorales. Malgré sa résilience apparente, le Sénégal devient une cible d’intérêt pour diverses puissances étrangères. Bien que le Sénégal occupe la première position en Afrique de l’Ouest avec un score de résilience de 60/100 selon l’indice FIMI de l’Institut européen d’études de sécurité (EUISS) 2023, le pays n’est pas à l’abri des menaces d’ingérence informationnelle étrangère. Sa stabilité démocratique relative, combinée à des vulnérabilités géopolitiques, historiques et technologiques, en fait paradoxalement une cible attractive pour ces acteurs extérieurs », a déclaré la coordinatrice des programmes lors de la présentation du rapport.
L’étude, basée sur la méthodologie développée par International IDEA , révèle “plusieurs vulnérabilités” critiques qui exposent le Sénégal à ces risques d’ingérence informationnelle : des vulnérabilités technologiques, médiatiques et institutionnelles : « Nous constatons une dépendance croissante aux infrastructures numériques étrangères, des contraintes économiques fragilisent l’indépendance éditoriale de nombreux médias et les cadres réglementaires restent insuffisamment adaptés face à ces nouvelles menaces. », a-t-elle indiqué
L’atelier s’est tenu en présence de représentants de la société civile, des autorités publiques, des régulateurs, des chercheurs et des médias. Parmi eux, Sébastien Becker de International IDEA, Matar Sall. représentant du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), Arame Gueye Sene, Directrice du Social Change Factory, Thierno Niang, juriste, Dr. Sylla Sow, analyste du cadre légal, ainsi que Mame Yacine Fall de la GIZ.
Selon le Directeur de la Communication au Ministère de la Communication des Télécommunications et du Numérique du Sénégal, Habibou Dia, cette étude vient à son heure, le Sénégal étant un « théâtre d’opérations d’influence ». « Ces travaux constituent une étude pionnière, c’est pourquoi il est important pour nous d’être à vos côtés pour tirer le maximum d’enseignements », a-t-il affirmé. Le directeur de la communication a salué ce rapport qui pose “les préalables à une réflexion profonde sur les influences médiatiques étrangères au Sénégal et les partenariats internationaux dans un contexte de souveraineté économique et politique renforcée”.
L’objectif de l’atelier était d’analyser, de documenter et de proposer des recommandations pour lutter contre les phénomènes de manipulation et d’influence étrangère par le biais de l’information au Sénégal. « C’est une logique de coconstruction. Pendant plusieurs mois, nous avons travaillé sur ce projet pour pouvoir le mettre en commun avec les parties prenantes, recueillir leurs avis afin de peaufiner le rapport dans la compréhension de ces phénomènes au Sénégal », a expliqué Cheikh Fall, président de AfricTivistes.
Emmanuel Diokh, expert en droit du numérique et un des chercheurs qui ont mené cette étude, est revenu sur la méthodologie adoptée : « Nous avons orienté le questionnaire vers les FIMI en contexte électoral. Notre approche a combiné des entretiens qualitatifs avec des acteurs clés et une analyse documentaire approfondie pour identifier les mécanismes d’influence sur l’information au Sénégal. L’objectif était de dresser un panorama complet des phénomènes observés lors des récentes échéances électorales. »
À la lumière des interventions lors de cette table ronde et la profondeur stratégique de cette étude un constat s’impose : la question de la manipulation de l’information et de l’ingérence étrangère ne peut plus rester en marge du débat public au Sénégal. Ces menaces prennent aujourd’hui une dimension bien plus concrète, dans un contexte où l’intelligence artificielle évolue de manière exponentielle. L’essor des technologies dégénératives, telles que les deepfakes, facilite la diffusion massive de contenus trompeurs, polarisants ou falsifiés.
Intégrer cette thématique dans l’espace public, c’est aussi appeler à une mobilisation collective : chercheurs, journalistes, acteurs de la société civile, institutions publiques et partenaires internationaux doivent conjuguer leurs efforts pour anticiper, documenter et contrer les nouvelles formes de manipulation de l’opinion.
Le rapport analytique définitif sur les FIMI au Sénégal,piloté par AfricTivistes, sera présenté au grand public très prochainement.